Yuka, la jeune mammouth – suite…
En mai 2024, le président du Xuan Yuan Group et l’Académie des sciences de la République de Sakha ont annoncé un projet audacieux : organiser en Chine une exposition exceptionnelle dédiée à Yuka, un mammouth laineux parfaitement conservé dans les glaces éternelles du pergélisol sibérien.
Cependant, malgré une série de réunions à Harbin et à Yakoutsk, les défis administratifs et juridiques ont temporairement freiné cette initiative. Mais, en décembre 2024, le projet a été relancé.
Une relance prometteuse
Le 1er décembre 2024, lors de l’inauguration de la Chambre de commerce dédiée aux échanges entre le Heilongjiang et la République de Sakha, j’ai assisté, en témoin silencieux, à une relance des discussions autour de Yuka. Désormais, le projet est examiné par les gouvernements des deux régions.
L’exposition, prévue pour l’hiver 2025, se tiendra au musée de Harbin. Tandis que les nouvelles galeries du musée présenteront une collection d’outils et d’armes préhistoriques, Yuka sera exposé dans une tente spécialement conçue, installée dans une cour intérieure de plus de 1 000 m². Les premières négociations, initiées avec les responsables du musée et les acteurs du tourisme local, ont rapidement atteint le niveau gouvernemental, laissant espérer une issue favorable.
Contexte et acteurs clés
Xuan Yuan Group
- Président : Xue Xing Fa
- Directeur général : Xue Hailong (dont le prénom signifie « mer » et « dragon »)
- Premier vice-président : Jiao Jian
Cette entreprise, spécialisée dans les infrastructures ferroviaires, est un acteur majeur en Eurasie. Elle a participé à d’importants chantiers en Irak, en Russie, en Ukraine et dans le Caucase. Xuan Yuan est l’initiateur de cette Chambre de commerce qui regroupe plus de 200 industriels majeurs du Nord-est de la Chine.
Le Heilongjiang : Une province au carrefour de l’histoire
- Vice-gouverneur : Han Shenjiag
Le Heilongjiang, province située au nord-est de la Chine, tire son nom du fleuve Heilongjiang (fleuve du dragon noir), connu en Russie sous le nom d’Amour. Cette région, cœur de la Mandchourie historique, est également le lieu d’origine de la dynastie Qing (1644-1911), des derniers empereurs de Chine.
Deux grandes périodes marquent l’histoire des Qing :
- L’âge d’or des XVIIe et XVIIIe siècles, sous le règne des empereurs éclairés Kangxi et Qianlong, avec des avancées techniques et des chefs-d’œuvre littéraires tels que Le Rêve dans le pavillon rouge de Cao Xueqin (1710-1765).
- Le déclin du XIXe siècle, marqué par des troubles sociaux, des conflits et la chute de la dynastie en 1911 au profit de la République de Chine.
L’héritage des Qing, bien que perçu comme « étranger » par certains Han, a été sublimé par des figures comme Cao Xueqin ou Lao She (1899-1966), écrivains mandchous ayant enrichi le patrimoine culturel chinois. Lao She, en particulier, a marqué la littérature contemporaine avec Quatre générations sous un même toit, qui dépeint les vestiges de la grandeur mandchoue et les souffrances d’une Chine sous occupation
Harbin : Carrefour des influences
- Directeur du musée de Harbin : Zhang Jianxin
- Chef du département tourisme et culture de Harbin : Li Chengyun
Avec près de 10 millions d’habitants, la ville est surnommée le « Paris de l’Orient », en raison de son architecture et de son histoire unique.
La construction du chemin de fer transmanchourien, menée par les Russes au XIXe siècle, et l’arrivée de réfugiés tsaristes après la révolution d’Octobre ont profondément marqué son identité. Parmi ses monuments emblématiques :
- La cathédrale Sainte-Sophie. Bien que modeste en comparaison de son homonyme de Constantinople, elle est le témoin saisissant de l’héritage russe.
- Un temple bouddhique est à côté d’une importante synagogue, construite par des juifs fuyant le nazisme.
- Le parc Staline, situé sur les berges du Songhua, confluent de Heilongjiang, rappelle les échanges sino-soviétiques.
Ce mélange d’influences russes, chinoises et européennes fait de Harbin un véritable puzzle culturel parfois déroutant pour les non-initiés. La ville incarne cependant une cohérence ancrée dans la richesse millénaire de la culture chinoise, portée en grande partie par son peuple majoritairement Han.
En 2024, Harbin a accueilli plus de 10 millions de visiteurs entre janvier et mars. Les prévisions pour 2025 atteignent 20 millions, mais l’absence d’une présence française dans cette ville, surnommée le « Paris de l’Orient », pose question.
République de Sakha (Yakoutie)
- Vice-président de la République : Dzhulstan Borissov
- Président de l’Académie des sciences : Leonid Vladimirov
- Directeur du département de biologie : Mikhail Tomsky
Six fois plus grande que la France, la Yakoutie est une terre riche en ressources naturelles : or, diamants et légendes. On raconte qu’un sac rempli des trésors les plus précieux du Père Noël se serait déchiré au-dessus de cette région, y dispersant des richesses encore à découvrir.
Les projets conjoints entre la Yakoutie et le Xuan Yuan Group incluent :
- La création d’une entité de biotechnologie dédiée aux plantes médicinales sibériennes.
- Des recherches sur des graines vieilles de 40 000 ans, retrouvées dans les viscères de mammouths.
- La mise en place d’une banque de semences pour préserver la biodiversité sibérienne.
Vers des relations fondées sur la « coopétition »
Le Heilongjiang et la République de Sakha joueront un rôle important dans le développement de l’Eurasie. Cette région, dotée d’infrastructures permettant de surmonter son enclavement géographique dû à l’absence d’accès direct aux mers, et portée par une dynamique démographique favorable, s’affirmera comme un acteur majeur des années à venir, à l’image du Kazakhstan.
Pour un voyageur non averti, Harbin, Heilongjiang, la Chine peuvent apparaître comme un véritable puzzle. Cependant la cohérence s’enracine dans l’histoire de la Chine et de l’identité d’un peuple majoritairement composé de Han. Cette richesse complexe mérite d’être appréhendée, en particulier par ceux qui souhaitent établir des relations commerciales fondées désormais sur la « coopétition » (alliance subtile entre coopération et compétition).
La conférence d’Éric Meyer, intitulée « Xi Jinping, l’empereur du silence » organisée le 12 décembre 2024 par la Société de Géographie, offre quelques clés pour mieux comprendre les dynamiques qui animent les interlocuteurs chinois et leurs subtilités culturelles.
La France bénéficie dans cette partie du monde d’une réelle sympathie dont elle pourrait mettre à profit pour le développement économique et la paix.
En 1899, Loïc de Lobel, ingénieur, explorateur, dans un communiqué effectué à la Société de Géographie à Paris évoque un projet ferroviaire reliant Paris à New York en passant par le détroit de Behring.
Imaginons, un projet encore plus audacieux : une voie ferroviaire reliant Paris, Moscou, Beijing, New York !
« Imagine all the people
Living life in peace »
(John Lennon)